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Transmettre toujours plus loin



Ce jeudi 18 février, à la gare de Bourgoin-Jailleu (Isère), terre de rugby, distante de cinquante kilomètres de Lyon, ce n’est pas Manuel de Almeida, le directeur sportif du FCBJ (frappé par un deuil familial) initialement prévu, qui m’a accueilli, mais Arthur et Kévin, deux jeunes entraîneurs-éducateurs salariés du club, enthousiasmés par le projet bien que prévenus au dernier moment. Cela nous faisait un point commun car j’ai moi-même remplacé au pied-levé l’ami Hafid Aggoune, cheville ouvrière des Ateliers Jules Rimet (lui venait de devenir papa d’un petit garçon : la vie répondait à la mort, ça commençait bien). Nous avons donc d’abord fait connaissance et rappelé le « concept » du projet pédagogique. Puisque c’est bien de ça dont il s’agit (esprit sain dans un corps sain, en somme), mais en y apportant un aspect ludique, sans la lourdeur parfois rébarbative de la scolarité.


En quelques minutes nous étions au stade de Chantereine, distant de quelques kilomètres du centre-ville, et qui dispose d’un terrain synthétique et d’une pelouse, dit « terrain d’honneur », bordée d’une tribune à l’ancienne. Un vrai club familial à l’ancienne, évoluant en CFA tout de même, avec la buvette à l’entrée des vestiaires, où tout le monde se connait et se dit bonjour. Avant de me présenter aux jeunes U12 et U13 qui m’attendaient dans la salle des trophées, qui sert aussi de salle de réunion et de visionnage des matchs, Kévin et Arthur m’ont expliqué quelle était la nature de leur relation avec leur grand voisin de l’Olympique Lyonnais : « Notre petit club attire les meilleurs jeunes de l’Isère, et l’OL les détecte pour son centre de formation et nous récupérons parfois ceux qui ne deviennent pas pro chez eux, mais qui ont un bon niveau. Au bout du compte, tout le monde est content. »

Nous étions en pleines vacances scolaires et il a fallu expliquer à ces douze gamins de 12-13 ans en quoi consistaient les Ateliers Jules Rimet, organisé cette année dans le cadre du Trophée du Petit Libraire, sous l’égide de la Fondation Décitre, qui vise à faciliter la lecture, en collaboration avec l’association Sport dans la Ville, laquelle travaille sur l’insertion sociale des jeunes des quartiers sensibles. Lequel trophée sera décerné le 12 avril, au nouveau stade Décines de l’OL, lors de la journée « Sport dans la ville », en présence de Clément Grenier, joueur international de l’OL, parrain de l’opération sur Lyon. Cette perspective les a enchantés d’emblée. Passé le moment des présentations, ils se sont échauffés en écrivant le compte-rendu des matches de la veille au soir, enchampions’league, ou Europa. Puis nous sommes entrés dans le vif du sujet avec la lecture des premières pages du dernier prix Jules Rimet (2015), « La Surface de réparation », d’Alain Gillot. Enfin, nous avons abordé le thème de ce nouvel atelier : le métier de libraire : « Que seraient les livres sans librairies, les écrivains sans les libraires et des tables de librairies sans coup de coeur ? ».


Le soleil étant de la partie, entre deux séances de foot – ils étaient en vacances, tout de même ! – les deux groupes, de U12 et U13, ont testé leur faculté à écrire court afin de proposer leurs « coups de cœur ». Pour ce faire je leur ai rappelé la phrase de Voltaire : « Excusez-moi d’être long, je n’ai pas eu le temps de faire court… ». Mais les termes de « pitch » (sorte de synopsis en trois phrases), ou de « punch-line », leur parlait plus. Il ne s’agissait pas simplement de résumer un livre de donner envie de le lire. Ce qui n’est pas toujours facile quand il y a « beaucoup de pages »… Heureusement, le foot étant le sujet d’Alain Gillot dans son roman, ils étaient en terrain connu. Pour ne pas dire conquis. Car, ne nous mentons pas. La partie était loin d’être gagnée d’avance. On n’apprend pas à dribbler les mots, à jongler avec les phrases, en quelques heures. Si Nicolas et Johan étaient intéressés, d’autres comme Reda, ou Tom étaient plus réfractaires. Ecrire les bloquait mais lire ne les dérangeait pas. Nous avons donc lu un peu et écrit court… On sait que ça peut déclencher des envies plus tard, et que ça ouvre l’esprit sur d’autres univers. Ils se sont donc d’abord entraînés avec la 4ème de couverture de « La Surface de réparation ».


Lors de la deuxième journée, l’idée de départ – consistant à rendre hommage à ce métier qui donne envie de lire -, a provoqué des séances de fous rires puisque me prenant au mot, ils ont résumé « La surface de réparation » à leur manière, parfois brut de décoffrage à cet âge. Rappelons qu’il s’agit de l’histoire d’un entraineur de foot qui voit débarquer son neveu atteint du syndrome d’Asperger, qui s’avère aussi bon comme gardien de but qu’aux échecs. Habitués à parler «cash», ils ont donc utilisé des termes aux limites du politiquement correct (voir les textes qu’ils ont écrit). Il a donc fallu recadrer un peu… comme aux abords des dix-huit mètres. Cadrer pour atteindre le but. Le livre ne doit pas être « un mur infranchissable, mais une fenêtre sur le monde », comme l’a écrit Hafid Aggoune. Car la littérature, comme le sport, favorise l’ouverture sur les autres. Donc le Vivre ensemble. Surtout quand c’est un sport collectif.

Comme ils n’avaient pas eu le temps de terminer le dernier prix Jules Rimet, les plus motivés d’entre eux ont promis de faire un effort pour le lire, ainsi que les trois autres, d’ici le 30 mars. Il s’agit de : « Foulée d’enfer », de Jean-Christophe Tixier, « Autopsie d’un papillon », de Jean-Noël Sciarini et « Highline », de Charlotte Erlih.


Ces ateliers auront donc été prolongés par la lecture de quatre livres en vue de la remise du Prix du Petit Libraire. Chaque participant des ateliers Jules Rimet est devenu, le temps d’un livre, le temps d’un prix littéraire, un vrai libraire écrivant son « coup de cœur », destiné à donner envie de lire un roman plus qu’un autre. Evidemment, le choix est subjectif (le livre court est avantagé face aux gros livres), mais le principal est de lire. Et d’écrire. C’est ce qu’ils ont fait en évoquant « la Surface de réparation » qui leur parlait davantage parce qu’il est question de foot.


Guillaume Chérel


 




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